Exit above, d’après la tempête
Anne Teresa De Keersmaker, Meskerem Mees, Jean-Marie Aerts, Carlos Garbin / Rosas
1h30 • tarif 1 → de 10 € à 29 €
créé en collaboration et avec Abigail Aleksander, Jean-Pierre Buré, Lav Crnčević, José Paulo Dos Santos, Rafa Galdino, Carlos Garbin, Nina Godderis, Solal Mariotte, Meskerem Mees, Mariana Miranda, Ariadna Navarrete Valverde, Cintia Sebők, Jacob Storer et Carlos Garbin, Meskerem Mees (musique)
chorégraphie Anne Teresa De Keersmaeker
musique Jean-Marie Aerts, Carlos Garbin, Meskerem Mees
texte et chansons Wannes Gyselinck et Meskerem Mees
scénographie Michel François
dramaturgie Wannes Gyselinck
lumière Max Adams
costumes Aouatif Boulaich
direction des répétitions Cynthia Loemij, Clinton Stringer
Quand la danse rencontre le blues
Sur le rythme d’une marche collective et de walking songs, les corps s’élèvent et des rêves émergent. Anne Teresa De Keersmaeker et ses treize danseurs remontent le temps jusqu’aux racines de la danse et de la pop occidentale.
Le point de départ d’Exit Above est la chanson Walking Blues du légendaire Robert Johnson. La chorégraphe belge reste fidèle à son désir d’inscrire son écriture dans la simplicité des gestes, ici la marche. Elle déploie ainsi, de manière organique, un mouvement simple qui, à l’aide de principes géométriques précis devient danse.
Meskerem Mees, jeune autrice-compositrice-interprète, signe avec Jean-Marie Aerts une série d’adaptations et de variations autour de walking songs. Avec le guitariste Carlos Garbin, ils nous offrent les joies et les douleurs des musiques qui nous font nous lever.
La musique et la danse se révèlent mutuellement pour ne faire plus qu’un. Exit Above, d’après la tempête, nous souffle à l’oreille ces quelques mots : « Si tu ne peux pas le dire, chante-le » et « Si tu ne peux pas le chanter, danse-le. »
Vous venez cette année au Festival d’Avignon avec deux spectacles, EXIT ABOVE à la FabricA, et En Atendant, présenté au cloître des Célestins. Ces oeuvres, avec des sources musicales et des références différentes, ont en commun d’interroger notre rapport à la marche. Parlons d’EXIT ABOVE…
Si, ces derniers temps, l’oeuvre de Bach m’a beaucoup accompagnée, la pop music demeure un point de départ récurrent de mon travail chorégraphique. La pop est sans doute l’un des genres musicaux que les gens découvrent souvent en premier et écoutent, notamment à cause de ses mélodies reconnaissables
et entêtantes. Et puis, dans la pop music, et par là même dans ce que nous appelons plus généralement les musiques populaires, une identification physique se crée tout de suite dans le corps de la personne qui écoute : la pulsation invite à la danse. J’ai traversé un nombre incalculable de soirées où je pouvais entendre une grande diversité de musiques, de la pop à la chanson, du punk au rock.
EXIT ABOVE explore une musique populaire essentielle : le blues. Pour quelles raisons l’avez-vous choisie ?
En explorant la pop music, je me suis posée la question de ses origines. Le blues, dont il faut souligner qu’il s’agit d’une musique afro-américaine, est en grande partie à la source de la plupart de ces musiques d’aujourd’hui. De même, les origines de beaucoup de musiques populaires se retrouvent également, par exemple, dans la musique traditionnelle folk. Ces musiques sont les descendantes de l’esprit des troubadours : elles sont portées par le désir de partager des émotions et des histoires selon un précepte premier qui les guide de façon quasi existentielle : « Si tu ne peux pas le dire, chante-le. » D’une manière ou d’une autre, dans toutes sortes de pays, de communautés, il y a toujours un musicien pour prendre un violon et faire danser les gens. Dans le blues, les gens frappent des mains, tapent sur leurs cuisses, sur leurs jeans : c’est une participation à la fois individuelle et collective. Au-delà de la pop music, mon écriture chorégraphique est aussi travaillée par d’autres sources, plus secrètes, qui permettent de nourrir une sorte de dramaturgie sans pour autant la révéler. En ce sens, j’ai toujours été nourrie par le début du XVIIe siècle, comme les pièces de Shakespeare, dont La Tempête : même de manière « invisible », cette période, ces oeuvres, ces artistes, ont inspiré ma conception de cette nouvelle chorégraphie.
Vous avez choisi de convoquer la figure d’un des grands bluesmen de son histoire…
Oui et ce spectacle a comme point de départ le titre Walking Blues du chanteur et guitariste afroaméricain Robert Johnson. Il a surtout joué et composé ses propres chansons dans les années 1930 mais son influence est cruciale sur de nombreux groupes des décennies qui suivront : les Rolling Stones, les Beatles, Bob Dylan, Jimi Hendrix, Van Morrison ou encore Eric Clapton. Cette musique parle autant de joies que de douleurs personnelles, et s’inscrit dans une résonance immédiate avec l’esclavage et les rites religieux, avec, de fait, de nombreux échos bibliques. Il faut aussi penser à cette musique dans son contexte historique, c’est-à-dire en lien avec l’histoire de la reproductibilité des titres à travers les disques, de la facilitation d’accès et de partage comme ce fut le cas pour la photographie. Ne parlons-nous pas au sujet de la pop music et d’autres musiques populaires aujourd’hui d’« industrie » musicale ? La pop music, et auparavant le blues, appartiennent à une histoire de l’enregistrement qui passe par l’amplification des instruments – une histoire qui est donc aussi celle du monde capitaliste, de ses contrats et de ses profits.
EXIT ABOVE accueille aussi trois musiciens et musiciennes…
Alors que je regardais mes vinyles, j’ai retrouvé dans l’un d’entre eux une lettre avec un numéro de téléphone : elle était de Jean-Marie Aerts, architecte sonore de T.C. Matic, groupe formé par Arno.
Beaucoup se souviennent de ce groupe belge reconnu et influent, apparu au début des années 1980, avec des titres fameux comme Oh La La La ou Putain Putain. J’ai contacté ce guitariste et producteur, puis j’ai fait ensuite la connaissance de Meskerem Mees, une jeune autrice-compositrice-interprète flamande d’origine éthiopienne, qui s’inscrit dans une vraie tradition du songwriting. Meskerem Mees – qui dansera d’ailleurs également dans la pièce – a écrit des chansons inspirées par des titres de blues traitant de la grande inondation dans le delta du Mississippi en 1927, ainsi que par La Tempête par exemple. Elle interprétera ces chansons en direct, en compagnie du danseur-guitariste Carlos Garbin. Jean-Marie Aerts a quant à lui produit des morceaux faisant référence à la dance et aux beats.
Production : Rosas
Coproductions : Concertgebouw Brugge ; De Munt – La Monnaie, Bruxelles ; Dance Reflections by Van Cleef & Arpels, Internationaal Theater Amsterdam, Théâtre Garonne Scène européenne Toulouse; Fondoc Avec le soutien de Tax Shelter du gouvernement fédéral de Belgique
En collaboration avec Casa Kafka Pictures – Belfius
Rosas bénéficie du soutien de la Communauté flamande, de la Commission communautaire
flamande (VGC), et de la Fondation BNP Paribas.
Photos © Anne Van Aerschot